Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 : le début d’une ère sportive plus vertueuse ?
En 2017, la ville de Paris remportait l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été 2024 grâce à une candidature d’un genre nouveau, élaborée autour de la volonté d’améliorer significativement l’impact environnemental et social de l’événement. Une transformation nécessaire à l’heure où l’écart se creuse entre les attentes des populations et la réalité des Jeux, jusqu’ici peu engagés sur le terrain de la durabilité.
Cette réinvention est-elle si urgente ? A cette question, Christophe Berrard, Associé, membre du Comité exécutif de Forvis Mazars en France et en charge du projet sport 2024 au sein de l’entreprise, répond de façon catégorique : « Il en va de la survie des Jeux. Les préoccupations environnementales et sociales sont si fortes que des choix irresponsables occasionneraient un risque particulièrement élevé de désintérêt voire de rejet de la manifestation. S’il est dans l’ADN des Jeux d’évoluer avec leur temps en se renouvelant en permanence pour répondre aux attentes du public, le défi reste de taille pour Paris 2024. »
Remettre les valeurs du sport au premier plan
Selon le passionné, les Jeux d’été 2024 devraient parvenir à impulser la quatrième grande mue de l’histoire des Jeux modernes. Historiquement, le premier tournant de l’événement fut sa financiarisation massive à partir de l’édition de 1996, à Atlanta, la ville de Coca-Cola. La deuxième vague de changement notable, sécuritaire cette fois, s’est quant à elle développée à compter des Jeux d’Athènes, post 11 septembre, en 2004. Enfin, la troisième mutation, d’ordre générationnel, s’est observée à Tokyo l’an dernier : pour séduire de nouvelles populations de sportifs et téléspectateurs, cinq nouveaux sports ont été inscrits à la liste des sports olympiques. Quatre d’entre eux n’avaient encore jamais été représentés aux Jeux – l’escalade sportive, le karaté, le skateboard et le surf.
Loin de l’état d’esprit de certaines éditions précédentes, les prochains Jeux Olympiques et Paralympiques ambitionnent de marquer le début d’une nouvelle ère sportive, plus responsable et engagée. Une rupture d’autant plus attendue que les Jeux font régulièrement l’objet de polémiques, certaines villes-hôtes ayant par exemple été pointées du doigt pour ne pas avoir réussi à offrir une seconde vie aux sites colossaux sortis de terre spécialement pour l’événement.« Si les Jeux de Paris 2024 parviennent à tenir leurs promesses, il s’agira d’un virage sans précédent dans l’histoire de cette manifestation jusqu’alors davantage soucieuse de son faste et de sa lucrativité que de ce qu’elle peut offrir à l’intérêt général sur le long terme, affirme Christophe Berrard. Aujourd’hui les Jeux ne peuvent plus apparaitre comme une simple économie, ils doivent plus que jamais véhiculer les valeurs du sport donc intégrer des dimensions sociales et sociétales fortes. »
Capitaliser sur le passé pour offrir des Jeux d’avenir
Avec Paris 2024, la logique de durabilité entrera en scène. « Le mot d’ordre de la candidature de Paris était l’héritage comme socle de l’événement. Il est notamment question de s’appuyer autant que faire se peut sur l’environnement naturel et les infrastructures présentes sur l’ensemble du territoire plutôt que d’engager de grands projets de construction onéreux, polluants, mais surtout inutiles. Si l’enveloppe budgétaire dédiée aux infrastructures est bien inférieure à celles des précédents Jeux, c’est parce que près de 90% des sites nécessaires existent déjà », explique Jean-Philippe Mathorez, Associé Secteur public chez Forvis Mazars et commissaire aux comptes de Paris 2024. Ainsi, plutôt que de créer un lieu pour accueillir les compétitions de handball, celles-ci se dérouleront en partie au stade Pierre Mauroy de Lille. De même, la tradition de régate de la ville de Marseille la prédisposait à accueillir les épreuves de voile. « Tout a été savamment pensé et calculé sur la base de données chiffrées objectives. Par exemple, l’épreuve de surf, qui aura lieu à Tahiti, sera plus responsable qu’il n’y paraît, et permet d’associer les Outre-mer et leurs populations aux Jeux. La compétition aurait pu être envisagée en métropole, or, statistiquement, il est plus probable que les meilleures vagues soient en Polynésie à cette période : ailleurs il aurait pu s’écouler de trop longues journées d’attente, faute de conditions optimales, ce qui aurait été plus coûteux », détaille-t-il.
Quant à la minorité d’infrastructures bâties pour l’occasion, elles ont été pensées dans une logique d’impact positif. « Réparti sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et l’Île-Saint-Denis, le village olympique ne sera pas démantelé mais transformé en écoquartier d’habitation et d’activités. La piscine olympique de Saint-Denis fera pour sa part la joie du département une fois la manifestation achevée, car ce bassin répond à un véritable besoin social local », souligne Jean-Philippe Mathorez. Concernant l’Arena Porte de la Chapelle, 30% des bétons nécessaires à sa construction proviennent de filières bas carbone et il est prévu que ses 8 000 sièges soient conçus avec 70 tonnes de déchets plastiques recyclés. Une partie de ces derniers est d’ailleurs directement collectée auprès des habitants, invités à déposer leurs bouchons en plastique dans des points de collecte situés dans le 18ème arrondissement de Paris. Enfin, la durabilité et l’héritage, c’est aussi s’assurer de la bonne gestion des déchets et capitaliser sur un autre type de richesse nationale : la production agricole et la gastronomie françaises. En effet, Paris 2024 entend donner la priorité à la qualité, aux circuits courts et au bio, plutôt qu’à l’importation de produits industriels – une vraie révolution pour les Jeux. « Ces critères sont au cœur des appels d’offres lancés par Paris 2024 depuis le début du projet. Car l’impact positif, loin de se limiter aux quelques semaines de compétition, dépendra surtout du travail de fond mené durant les années précédant l’événement », insiste Christophe Berrard.
Des Jeux (vraiment) pour tous
Qui dit responsabilité et valeurs du sport dit accessibilité et inclusion. « Des efforts ont été réalisés en matière d’accessibilité physique, mais aussi financière : les Jeux de Paris cassent les codes dans la mesure où ils seront les premiers à s’adresser véritablement au plus grand nombre. En témoigne la cérémonie d’ouverture qui, gratuite et ouverte à tous, se tiendra dans l’espace public, sur la Seine », illustre Jean-Philippe Mathorez, en insistant toutefois sur le défi organisationnel que cette soirée populaire exceptionnelle implique. « En toute cohérence, Paris 2024 ambitionne que chaque personne souhaitant assister à une compétition le puisse », complète Christophe Berrard. Alors pour limiter les frustrations habituellement observées lorsque les billetteries sont prises d’assaut, un système d’inscription par créneaux et de tirage au sort sera mis en place pour l’achat des 13,4 millions de billets dont les prix de départ, fixés à une vingtaine d’euros, permettront à chacun de participer à la fête olympique. Ce souci de la maîtrise des coûts, Paris 2024 se l’applique également. « Le budget global prévu pour les Jeux de Paris est le plus faible observé depuis de nombreuses années. Cela s’explique certes par le recours aux infrastructures existantes, mais aussi par la pression exercée par les pouvoirs publics et la population », précise Jean-Philippe Mathorez.
A de nombreux égards, Paris 2024 semble donc en passe de façonner le futur visage des grands rendez-vous sportifs mondiaux. « En termes d’impact environnemental et social ces Jeux prendront certainement une grande longueur d’avance sur les autres manifestations sportives d’ampleur, car aucune n’a encore entamé une transformation vertueuse si profonde et concrète. Le décalage qui se profile, a priori saisissant, pourrait bien élever les standards et activer l’accélération de la responsabilisation des événements sportifs », s’accorde le duo d’experts. Nul doute que ce positionnement contribue à faire rayonner la France sur une période bien plus longue que celle de la seule compétition. « Comme cela s’observe lors de chaque édition des Jeux, les retombées positives en matière de dynamisme économique, de création d’emplois et d’attractivité touristique perdurent pendant cinq ans. On ne le réalise peut-être pas encore, mais les Jeux Olympiques et Paralympiques d’été 2024 constituent une chance immense pour toute la France et tous les Français, qu’ils soient amateurs de sport ou non », conclut Christophe Berrard.
Article de la série "Transformations durables", réalisée par Forvis Mazars en partenariat avec La Tribune.