Flash BankNews n°50 - Adoption du paquet bancaire de réduction des risques : la dernière phase de négociation démarre

Après le Conseil ECOFIN du 25 mai, lequel a vu l’adoption d’une approche générale sur la révision de CRR (Capital Requirement Regulation), CRD (Capital Requirement Directive), BRRD (Banking Recovery and Resolution Directive), et SRMR (Single Resolution Mechanism Regulation), c’est la commission ECON du Parlement qui a publié le 28 juin son rapport final contenant les différents amendements que cette dernière a adopté sur le paquet dit de « réduction des risques » dans le système bancaire.

Conformément à la procédure législative de codécision, Conseil et Parlement vont désormais démarrer les négociations dans le cadre du « trilogue ». Il revient ainsi à la Présidence autrichienne, en place depuis le 1er juillet de mener les négociations pour le compte du Conseil et de trouver les zones de compromis entre les deux institutions sur chaque partie des textes. Un accord est espéré au courant du dernier trimestre 2018, étant donné que certaines mesures sont censées s’appliquer dès le 1er janvier 2019.

Quelles sont les réformes visées par ce paquet législatif ?

Le texte initial de la Commission permet à l’Union européenne (UE) de disposer de l’ensemble des ratios prudentiels du cadre international. Ainsi il contient l’ensemble des réformes publiées après l’accord Bâle III de 2010 : NSFR (ratio structurel de liquidité long terme), TLAC (exigence de fonds propres et de dettes éligibles pour les banques systémiques), FRTB (réforme des risques de marché), EIF (exigences prudentielles sur les investissements dans les fonds), CCPs (exigences prudentielles sur les expositions aux chambres de compensation), LEX (réforme des grands risques), IRRBB (réforme relative au risque de taux du portefeuille bancaire), SA-CCR (nouvelle méthode standard du risque de contrepartie), LR (révision du ratio de levier).

La Commission a modifié certaines de ces réformes afin de les rendre davantage compatibles avec les spécificités européennes. Elle a par ailleurs inséré des dispositions relatives : à la proportionnalité (en terme de reporting et de disclosure), au périmètre d’application des règles, à l’introduction d’un pillar 2 guidance, aux dérogations « waivers » transfrontières, à l’extension du facteur supplétif sur les expositions PMEs, à un traitement prudentiel différencié des financements d’infrastructure soutenant des services publics essentiels, et à l’exigence de mise en place d’un holding (IPU – Intermediate Parent Undertaking) coiffant l’ensemble des activités des banques de pays tiers au-delà d’un certain seuil.

Quelles sont les évolutions décidées par le Conseil de l’UE ?

La réforme des risques de marché, publiée en janvier 2016, par le Comité de Bâle a ainsi été remise en question par le Conseil dès l’annonce par le Comité de Bâle de la réouverture de certains aspects techniques du cadre (cf. la consultation publiée par le Comité en mars 2018) et de l’annonce en décembre 2017 du report de la date d’implémentation de 2019 à 2022, afin de s’aligner sur les autres grandes réformes du paquet bâlois publié en décembre 2017.

Ainsi le Conseil a opté pour un compromis équilibré puisqu’il propose de mettre en place, dès l’entrée en vigueur de CRR II, un reporting spécifique sur FRTB, dont les modalités restent à définir. Les modifications attendues à Bâle d’ici à la fin de l’année seraient introduites via un acte délégué complémentaire à CRR II.

L’autre principal enjeu est de mieux reconnaitre l’union bancaire, laquelle n’existait pas au moment de la transposition des accords de Bâle III de 2010 dans le CRR. Le Conseil a malheureusement supprimé la possibilité offerte par la Commission de pouvoir exempter des filiales de banques de la zone euro localisées dans d’autres pays participant au Mécanisme de Surveillance Unique d’exigences de solvabilité sur base solo (quant au Parlement, celle-ci a été durcie). De plus, si le Conseil a introduit la possibilité de considérer les expositions transfrontières au sein de l’union bancaire comme des expositions domestiques pour la mesure de la systémicité des banques, celle-ci sera à la main des superviseurs.

Concernant l’exigence d’établissement d’un IPU pour les banques de pays tiers, le Conseil a entériné sa mise en place dès que les actifs d'une banque dépasse 40 milliards d'euros dans l’UE, au lieu des 30 milliards initialement proposés par la Commission.

Sur le volet résolution, le Conseil a décidé d’étendre le TLAC (ou MREL) à l’ensemble des banques dont le total d’actifs est supérieur à 100 milliards d'euros, associé à une exigence de subordination d’au moins 8% des fonds propres et passifs éligibles. Par ailleurs, l’exigence de MREL interne n’a malheureusement pas été amendée de sorte qu’elle ne soit pas obligatoire au sein de la zone de l’union bancaire. Enfin, il est à noter l’introduction dans la révision de BRRD, tant par le Conseil que le Parlement, d’un moratoire d’une durée limitée sur les dépôts des particuliers en cas de résolution.

Concernant le ratio de levier, la révision incluse dans le paquet Bâle III de décembre 2017, a été introduite dans CRR II (exigence additionnelle pour les banques systémiques) et dans CRD V (mécanisme de restriction de distributions pour les banques systémiques).

Quels sont les apports du Parlement ?

L’un des thèmes majeurs du Parlement est d’aller au-delà de la Commission sur la reconnaissance de la proportionnalité dans les règles prudentielles. Ainsi il propose une réglementation différenciée pour les établissements qui répondraient à la définition de « small and non complex ». Au-delà des seules exigences de reporting et de disclosure, pour lesquelles le seuil de 1,5 milliard d'euros de total d’actifs introduit par la Commission a été porté à 5 milliards d'euros par le Conseil, ces entités seraient notamment éligibles à un NSFR simplifié et à des exigences de publication réduites.

Les autres thèmes chers aux eurodéputés concernent le financement de PMEs, à cet égard le Parlement propose de rehausser le facteur supplétif à 3 milliards d'euros (au lieu de 1,5 milliard d'euros), et le financement d’activités associées à des objectifs environnementaux ou sociaux. Sur ce dernier point, le Parlement demande à l’EBA d’examiner les possibilités d’un traitement prudentiel différencié.

Sur le ratio de levier le Parlement anticipe également la mise en œuvre de la surcharge de 50% du coussin systémique au ratio de levier des banques systémiques décidé par le Comité de Bâle, telle qu’envisagée par le Conseil.

Concernant FRTB le Parlement soutient une mise en œuvre progressive des futures exigences à compter du 1er janvier 2022, en fonction du résultat d’une étude d’impact de l’EBA. Le Parlement a notamment introduit de la flexibilité dans la mise en œuvre du « P&L attribution test », puisqu’en cas d’échec, il n’y a pas de basculement automatique vers l’approche standard, il reviendra au superviseur d’en décider.

Enfin concernant le volet résolution le Parlement a introduit l’interdiction de vendre les dettes éligibles à des particuliers, au-delà d’un certain seuil, et l’inclusion dans les dettes éligibles des engagements préférés aux dettes seniors non sécurisées selon les modalités des lois nationales. Puis le Parlement a souhaité rendre l’exigence de MREL interne moins dure, en abaissant le seuil à au minimum 75% du MREL externe. Il est à noter que le MREL ne s’appliquerait plus en 2019, mais en 2020.

Pour en savoir plus :

  

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David Labella
David Labella Directeur, Responsable veille règlementaire - Paris

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