Newsletter Legal & Tax Alert #9
Nous sommes ravis de vous faire partager notre Lettre Juridique et Fiscale, qui reprend les points clefs de l’actualité législative et jurisprudentielle du mois de mars. Vous y retrouverez notamment des informations sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), une clarification de l'article 1728 du Code général des Impôts, ainsi que trois articles portant sur la responsabilité pénale en matière de TVA, sur la durée d'un pacte d'associé et sur les impôts de production.
En complément, n'hésitez pas à vous inscrire lors de notre prochain webinar le 4 avril prochain sur le thème "Comment améliorer sa trésorerie par le biais des droits à déduction TVA".
Brève | La mise en doute de la pratique de cession de marque à titre gratuit réalisée sous seing privé
Par Camille Lefranc et Victor Fayad-Walch, Avocats | Mazars Société d’Avocats
Le 8 février 2022, le tribunal judiciaire de Paris a, rendu une décision impactante relative à la cession de marques à titre gratuit1.
Dans cette affaire, deux copropriétaires d’une marque et de modèles ont cédé, par acte sous seing privé et à titre gratuit, leurs droits à une société détenue par l’un d’eux. Par la suite, l’un des cédants avait assigné son copropriétaire et la société cessionnaire, en demandant notamment la requalification de la cession en donation et son annulation arguant que celle-ci aurait dû être réalisée par acte authentique.
Le tribunal judiciaire a fait droit à cette demande au visa de l’article 931 du Code civil, en s’appuyant sur le fait que : « tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires sous la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité» 2.
Par ce raisonnement, les juges ont considéré qu’un contrat de cession de marque à titre gratuit à une société commerciale constituait une donation et devait par conséquent être réalisé sous forme authentique à peine de nullité.
Cette solution pourrait remettre en cause la pratique des cessions de marques et modèles à titre gratuit passées sous signature privée.
Bien que ce jugement soit isolé et ait été frappé d’appel, une vigilance particulière devra être apportée à ces pratiques de cession au regard de leur récurrence dans les opérations de M&A.
Sources :
1 Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre civile du 8 février 2022 (n° 19/14142).
2 Article 931 du Code civil.
Brève | C3S : confirmation de la non-inclusion des transferts de stocks intracommunautaires de la base d’imposition
Par Justine Boulanger, Fiscaliste | Mazars Société d’Avocats
Les sociétés dont le chiffres d’affaires hors taxes dépasse 19 000 000€ sont redevables de la C3S. Les règles de détermination du chiffre d’affaires sont les mêmes que celles applicables en matière de TVA. Cependant, certaines opérations exonérées en matière de TVA ne représentent pas du véritable chiffre d’affaires. Tel est le cas des transferts de biens propres d’un Etat-Membre de l’Union Européenne à un autre.
En réponse à la question préjudicielle de la Cour de cassation, la CJUE a conclu à la conformité de la déduction des transferts intracommunautaires de biens de la base d’imposition à la C3S, lorsqu’ils ne sont pas destinés à être vendus dans l’état membre d’arrivée ou réacheminés sans être vendus dans l’état membre d’origine.
Dès lors, l’absence de mécanisme de déduction et l’inapplicabilité des correctifs possibles sur les déclarations de TVA ont conduit au rejet du pourvoi formé par l’URSSAF.
Suite aux décisions de cours d’appel qui avaient déjà validé ce principe, la notice de déclaration de la C3S précise depuis 2022 que la valeur de ces transferts peut être déduite de la base d’imposition.
Brève | Annulation d’une cession de titres de société sur le fondement du dol
Par Charlotte Aubery, Juriste senior | Mazars Société d’Avocats
Dans un arrêt du 6 décembre 20221, la Cour d’Appel de Paris a prononcé la nullité d’une cession de titres de société sur le fondement du dol, considérant que la validité du consentement des parties doit s’apprécier lors de la formation du contrat, intervenant dès accord des parties sur la chose et sur le prix, soit, dès la conclusion d’un protocole d’accord.
En l’espèce, l’acquéreur de titres d’une société découvre seulement après la conclusion du protocole d’accord, que les résultats de la société sont les fruits de manœuvres illicites accomplis de manière habituelle par les cédants (corruption de salariés de sociétés clientes aux fins d’obtention de marchés, manœuvres anti-concurrentielles). L’acquéreur n’ayant pas poursuivis ces actes, a vu les résultats de la société acquise chuter, accompagnés des conséquences inévitables sur l’opération de leveraged buy out mise en place à l’occasion de l’opération d’acquisition.
C’est ainsi que les juges du fond, après avoir caractérisé le dol de manière pratique et chronologique, ont prononcé la nullité de la vente, condamné les cédants à restituer le prix de cession ainsi qu’aux versement de dommages-intérêts pour un total avoisinant les sept millions d’euros.
Ce rebondissement judiciaire a pour mérite, en plus de rappeler un principe général du droit des obligations, d’alerter sur la responsabilité des auditeurs et des différents conseils traditionnellement sollicités dans le cadre des cessions de société : la vigilance est de mise lors de la distinction entre de simples « cadeaux de courtoisie » et la dérive vers la corruption.
Sources :
1 Cour d'appel de Paris - 6 décembre 2022 - RG 21/16.886
Brève | Défaut d’agrément : l’associé cédant peut forcer la société à racheter ses actions au prix fixé par expert
Par Camille Lefranc et Victor Fayad-Walch, Avocats | Mazars Société d’Avocats
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 4 janvier 2023 une solution intéressante et pratique en matière de cession d’action non agréée d’une société commerciale1.
Pour rappel, l’article L. 228-24 du Code de commerce impose à toute société par actions, en cas de refus d’agrément, de racheter ou faire racheter les actions de l’associé cédant. A défaut d’accord des parties sur le prix, celui-ci est déterminé dans les conditions de l’article 1843-4 du Code civil (i.e., désignation d’un expert pour fixer la valeur des actions). L’article L. 228-24 précité précise qu’à défaut de rachat dans le délai de 3 mois à compter du refus d’agrément, l’agrément est considéré acquis.
En l’espèce, en 2004 un associé d’une société par actions simplifiée (« SAS ») a conformément aux statuts, qui prévoyaient une procédure de rachat similaire à celle imposée par l’article L. 228-24 susvisé, sollicité l’agrément de la SAS, pour la cession envisagée de ses actions à un tiers, lequel lui a été refusé. La SAS a ensuite demandé en référé la mise sous séquestre des actions de l’associé cédant puis la nomination d’un expert pour fixer le prix des actions. L’associé cédant a ultérieurement demandé la condamnation de la SAS à lui payer le prix de cession de ses actions conformément au rapport de l’expert rendu en 2007.
La Cour d’appel a rejeté en 2020 la demande de l’associé cédant au motif que l’agrément devait être réputé acquis faute pour la SAS d’avoir procédé au rachat des actions dans le délai fixé par les statuts (2 mois) et d’avoir demandé la prorogation du dudit délai. La question qui se posait devant la Haute Juridiction était celle de savoir si l’associé cédant pouvait forcer la SAS à racheter ses actions au prix fixé par l’expert ou s’il fallait considérer l’agrément réputé tacitement acquis.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, considérant au contraire que le rachat des titres était parfait (accord sur la chose et le prix) au motif que la SAS avait manifesté son intention d’acquérir les actions par la mise sous séquestre des actions et par la désignation d'un expert pour en fixer le prix. La SAS ne pouvait donc pas ensuite se rétracter en invoquant un agrément tacite du fait du non-rachat dans le délai imparti.
Cette solution dans l’intérêt de l’actionnaire cédant doit être approuvée car au regard du laps de temps écoulé on peut douter que le tiers acquéreur soit encore intéressé par un rachat initialement prévu en 2004.
Sources :
1 Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 janvier 2023 (n° 21-10.035) - Sté Tarita c/ D.
Brève | Elargissement du champ d’application de la pénalité de l’article 1728 du CGI
Par Johanna Silbert, Fiscaliste | Mazars Société d’Avocats
Le Conseil d’Etat, par un arrêt rendu le 9 décembre 20221 clarifie et élargit le champ d’application de la pénalité prévue par l’article 1728 du Code général des Impôts.
Pour rappel, cet article prévoit que le défaut de production, dans les délais prescrits d’une déclaration, entraine l’application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant d’une déclaration, d’une majoration de 10%, qui peut être étendue à 40% lorsque la déclaration n’a pas été déposée dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure, et à 80% en cas de découverte d’une activité occulte.
La question à laquelle le Conseil d’Etat était confronté était celle de savoir si les pénalités prévues par cet article pouvaient s’appliquer à la personne morale associée d’une société de personnes, dont le gérant était lui-même associé, dans le cas ou la société de personnes n’avait pas accomplit ses obligations déclaratives.
Au cas particulier, la SCI Les Terrasses du Prieuré, avait pour associés M.C ainsi que la SARL Fiorim, détenue à parts égales par M. et Mme C. La société a alors fait l’objet d’un contrôle de sa comptabilité à l’issue duquel a été prononcé une pénalité de 40% pour défaut de déclaration dans les 30 jours suivant une mise en demeure, applicable aux associés de la société.
La CAA de Lyon avait alors prononcé la décharge de la majoration2, en se fondant sur la méconnaissance du principe de responsabilité personnelle et de personnalité des peines, dès lors que l’administration n’avait pas établi la participation de la SARL Fiorim aux manquements aux obligations déclaratives commis par la SCI Les Terrasses du Prieuré.
Le Conseil d’Etat casse l’arrêt d’appel, considérant que le gérant de la SCI, n’ayant pas déposé, dans les délais, la déclaration de résultats de cette société, étant également celui de la SARL, ce dernier ne pouvait ignorer le manquement et n’a pas agi pour l’en éviter.
Dès lors, il considère que la pénalité de l’article 1728 du CGI peut effectivement s’appliquer à la personne morale associée d’une société de personnes, dont le gérant est aussi celui d’une société de personnes, ainsi que, le cas échéant, à ce gérant, s’il est lui-même associé de cette même société.
Quand bien même l’hypothèse d’un éventuel cumul de ces sanctions n’est pas envisagé, cette décision fait écho à celle rendue par le Conseil d’Etat le 4 décembre 2009, considérant que la nécessité de préserver le caractère effectif et dissuasif des pénalités fiscales impose d’appliquer le principe de personnalité des peines en tenant compte des spécificités des personnes morales, « dépourvues de volonté propre ».3
Sources :
1 CE, 10e et 9e chambres réunies, 9 décembre 2022 (n°461887)
2 CAA, Lyon, 3 janvier 2022 RJF 5/22, n° 430
3 CE, 4 décembre 2009, Société Rueil Sport, n°329173