Les trois-quarts des Français estiment la corruption « assez ou très courante »
La perception de la corruption par les Français1 est riche d’enseignements sans pour autant être caricaturale. En effet, les Français, entendus comme l’ensemble de la population, semblent très au fait de ce que sont corruption et conflits d’intérêts, beaucoup mieux peut-être que ne l’est le monde strictement professionnel. Ils considèrent que le phénomène est endémique : 76% d’entre eux estimant que la corruption est assez, ou très courante, en France.
Une subtilité notable toutefois : les Français considèrent que les sanctions en cas de manquement doivent être plus importantes pour le monde public que pour les entreprises privées, et sont en cela alignés avec les dispositions du code pénal. Ce point diverge avec le dispositif réglementaire actuellement en place : la loi Sapin 2 a créé une agence dédiée à la prévention de la corruption, qui ne prévoit pas de sanctions pour les acteurs publics qui n’auraient pas mis en œuvre le dispositif de prévention de la corruption prévu. Un dispositif de sanctions pour le secteur public avait d’ailleurs été envisagé par les députés Gauvain et Marleix, en 2021.
76% des Français déclarent maîtriser la notion de corruption mais seuls 28% peuvent l’illustrer par des situations concrètes
Les Français estiment parfaitement maîtriser les notions de corruption et de conflits d’intérêts, à respectivement 97 et 96%. Cette distinction présente un intérêt dans la mesure où pour les entreprises, la notion de corruption semble bien mieux maîtrisée que celle relative aux conflits d’intérêts, lesquels peinent parfois à faire l’objet de mesures de prévention affirmées et efficaces. La notion de conflit d’intérêts semble très légèrement mieux connue des acteurs publics, ce qui s’explique sans peine par l’arsenal réglementaire, y compris répressif, auxquels les fonctionnaires sont soumis en la matière.
En poussant plus loin l’analyse, il apparaît que si l’on connaît les notions de corruption et de conflits d’intérêts, les situations pouvant constituer l’une ou l’autre de ces qualifications semblent un peu moins claires. Ainsi, si 76% des Français déclarent « très bien » maîtriser la notion de corruption, seuls 28% connaissent très bien les situations concrètes pouvant relever de la corruption. Le diable est dans les détails, dit-on.
Pour les Français, les secteurs public et privé sont tout autant exposés à la corruption
La vision des Français quant aux différences potentielles pouvant être identifiées entre secteur public et secteur privé est riche d’enseignements. D’une part, les Français font globalement confiance aux acteurs publics pour lutter contre la corruption : sans doute la résultante des règles inconsciemment ou culturellement connues relatives à la commande publique, des prestations de serment des fonctionnaires, ou encore des nombreuses règles déontologiques s’imposant aux agents publics concourent-elles à cette confiance. D’autre part, et plus curieusement, les Français ne semblent pas identifier de différence significative d’exposition à la corruption entre secteur public et secteur privé, là où les Etats-Unis, notamment, considèrent que la corruption est avant tout et surtout une question liée au secteur public, à qui la réglementation est essentiellement adressée.
En conséquence, selon les Français, le cadre réglementaire à appliquer en matière de lutte contre la corruption ne doit pas être différencié en fonction du secteur public ou privé : qu’il s’agisse des mesures de contrôle à mettre en place dans les organisations pour lutter contre la corruption, des sanctions à appliquer en cas de survenance de faits de corruption, ou des règles définissant les cas de corruption.
Les Français considèrent nécessaire l’existence d’un juge de paix en matière de prévention de la corruption
Enfin, élément important venant renforcer les récentes évolutions réglementaires : sans, peut-être, connaître l’existence de l’Agence française anticorruption (AFA), 80% des Français considèrent qu’un organisme indépendant des organisations publiques ou privées, de contrôle et de prévention de la corruption devrait être mis en place, par opposition à une forme d’autocontrôle piloté par les entreprises elles-mêmes.
En cela, l’AFA, même si elle n’est pas indépendante et ne contrôle pas les faits de corruption, se rapproche grandement de l’expression de ces aspirations. La loi Sapin 2 serait ainsi, d’une certaine manière, la réponse à une exigence des Français qui n’aurait pas été exprimée aussi précisément. Cette loi est en tout état de cause manifestement en adéquation avec les attentes des Français.
1 Toutes les informations contenues dans cet article proviennent de l’étude « Les Français et la corruption » menée par Forvis Mazars et CSA (septembre 2022)