Fiscalité environnementale : un outil transverse de performance durable
Pour chaque entreprise française, la neutralité carbone d’ici 2050 s’affiche comme un objectif à absolument atteindre. Mais à quel prix ? Des mesures favorables aux charges et sanctions appliquées au contribuable en cas de non-respect, la fiscalité environnementale peut et doit être maîtrisée afin de devenir l’atout de chaque projet orienté de près ou de loin vers la transition environnementale des entreprises.
Elena Aubrée, avocate associée chez Forvis Mazars Société d’Avocats et autrice du rapport « La fiscalité environnementale : état des lieux et évolutions prospectives », et Denis Moati-Marcozzi, avocat chez Forvis Mazars Société d’Avocats, aident depuis plus de 10 ans les entreprises à décrypter les mécanismes fiscaux liés à la transition énergétique. Plus que jamais, chaque structure se doit d’être en conformité avec les législations, et peut être en mesure de renforcer sa compétitivité et son efficience écologique en pilotant sa fiscalité environnementale durablement.
La fiscalité environnementale partout, pour tous
Pour Elena Aubrée et Denis Moati-Marcozzi, il faut avant tout considérer la fiscalité environnementale comme un outil. « Il s’agit de mettre en place un dispositif fiscal qui influe sur le comportement du contribuable vis-à-vis de l’environnement, par le pilotage de mesures favorables ou pénalisantes », explique l’avocate. Entre dispositifs incitatifs, charges et sanctions financières, la transition écologique et son objectif de neutralité carbone d’ici 2050 représente un coût certain pour les entreprises, et nécessite un suivi comptable précis de ses dépenses et économies (notamment via des crédits d’impôt), par chaque équipe projet en lien avec les équipes fiscales. L’objectif est alors double pour les entreprises : mesurer son degré de dépendance aux taxes environnementales et identifier des potentiels centres de profits.
Désormais implantée dans toutes les strates de l’entreprise, la responsabilité environnementale n’est plus l’apanage d’un pôle spécifique dédié et se retrouve à tous les niveaux et dans toutes les fonctions de l’entreprise. « Il y a une prise de conscience environnementale globale et chaque projet doit désormais intégrer des enjeux RSE de manière transverse. Chaque équipe doit donc être en mesure de piloter sa fiscalité environnementale », insiste Denis Moati Marcozzi. Face à l’enchevêtrement de textes et dispositifs qui concernent l’entreprise sur ses investissements, taxes ou dossiers de subvention spécifiques, les experts en fiscalité accompagneront nécessairement ces projets et leur volet de transition écologique par leurs connaissances pointues, en expert prescripteur plutôt qu’en instigateur.
La Commission européenne donne le rythme, la France s’en accorde
Avec un démarrage plutôt lent par rapport aux autres pays de l’Union européenne en matière de protection environnementale, la France s’est mise en ordre de marche pour rattraper son retard, notamment par le biais des budgets verts (comptes-rendus des dépenses et crédits de l’Etat selon leur impact environnemental) intégrés aux différentes lois de finances depuis 2021. La Commission européenne reste, dans tous les cas, la principale entité motrice des mesures en faveur de la protection de l’environnement, avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 imposé à tous ses membres.
Elena Aubrée insiste cependant sur la complexité de ces mesures et enjeux non seulement européens et nationaux, mais avant tout globaux et mondiaux : « La réglementation européenne en matière d’environnement se met surtout en place de manière réactive, en réponse au contexte mondial, comme ce fut le cas à la suite de l’Inflation Reduction Act des Etats-Unis afin de conserver et inciter les entreprises du secteur des énergies renouvelables à relocaliser leurs activités. » Qu’elle soit nationale ou internationale, la parole publique vient également souvent amorcer des prises de position et bouleverser les agendas, en repriorisant certains sujets et engagements liés à l’environnement.
Préparer le terrain pour optimiser son environnement fiscal
Première étape au lancement réussi de sa fiscalité environnementale selon les deux experts Forvis Mazars : le diagnostic des dépenses et des produits environnementaux supportés par l’entreprise, indispensable à la compréhension de sa dépendance aux taxes environnementales. À ce stade, les directions fiscales accompagneront les différents services dans un diagnostic sectoriel et par nature d’impôts afin d’adapter et d’améliorer les comportements au regard des exigences de la transition énergétique. « Au-delà de ça et pour certaines taxes, l’ensemble des éléments financiers du projet tel que les subventions, la TVA ou tout dispositif ayant des conséquences fiscales auront besoin d’être appréhendés de manière globale », précise Denis Moati-Marcozzi.
Ces dernières années, la France n’a pas été en reste concernant justement la mise en place de dispositifs favorables en matière d’encouragement à la transition énergétique. Exonération partielle de prise en charge des frais de transport entre domicile et lieu de travail, TVA à 5,5% pour les travaux d’amélioration énergétique, éco-prêts à taux zéro reconduits, crédits d’impôt pour l’industrie verte : le projet de loi de finances 2024 affiche ses intentions de faciliter le passage au vert des entreprises françaises.
Le droit douanier pourrait également être en passe d’assumer sa part de responsabilité environnementale. Selon le rapport annuel de l’OMC, l’élimination des droits de douane et des mesures non tarifaires sur les biens environnementaux liés à l’énergie et sur les produits écologiquement préférables ou encore le contrôle de l’empreinte carbone aux frontières seraient des pistes de mesures, toutefois coûteuses à mettre en place dans les faits... Affaire à suivre.
Article de la série Transformations durables, réalisée par Forvis Mazars en partenariat avec La Tribune.