CSRD : à quelques mois des premiers rapports de durabilité, quels enjeux pour les entreprises françaises et européennes ?
Dès 2025, les grandes entreprises cotées européennes devront se conformer aux nouvelles exigences de la CSRD et publier leurs premiers rapports de durabilité. Quel est leur degré de préparation et sur quels sujets doivent-elles concentrer leurs efforts ?
Pour les EIP (entités d'intérêt public) européennes, le compte à rebours se termine. D’ici quelques mois, elles devront rendre compte de leurs performances extra-financière, dans le cadre réglementaire de la CSRD1 et des nouvelles normes de reporting qui s’y attachent (les ESRS2).
Plusieurs grands défis clairement identifiés
La CSRD n’est pas une version augmentée ou plus exigeante de la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière). C’est un exercice nouveau, qui exige une préparation spécifique et demande de répondre à plusieurs défis majeurs.
Le premier d’entre eux est l’adoption du principe double matérialité dans l’analyse des impacts, des risques et des opportunités d’une entreprise. Cela constitue la base du rapport de durabilité. Vient ensuite le défi du reporting, dans le cadre de normes homogènes, qui suppose de mobiliser et de faire travailler ensemble tous les contributeurs concernés. Enfin, la magnitude du périmètre de collecte, d’analyse et de publication, qui touche à la performance globale, à la stratégie et au modèle d’affaires des organisations, nécessite à l’évidence la pleine coopération des organes de gouvernance et des comités qui en émanent.
Dans les entreprises, des niveaux de préparation inégaux
On constate de fortes disparités dans les niveaux de préparations des entreprises de la première vague, qui seront assujetties à la CSRD dès 2025. Un nombre important d’entre elles semble encore loin d’être en mesure de satisfaire à de nouvelles exigences qu’elles n’ont pas forcément pleinement anticipées, faute de temps sans doute.
A titre d’exemple, si 58% des entreprises analysent leurs enjeux de durabilité, elles ne sont que 25% à se conformer, en la matière, aux normes fixées dans les ESRS. De même seuls 13% des rapports étudiés font apparaître un plan de transition conforme aux attentes3.
La double matérialité : au-delà d’une obligation de conformité, un exercice stratégique
Innovation majeure apportée par la CSRD, la double matérialité impose aux entreprises de regarder d’un côté leur impact sur leur écosystème au sens large – leur environnement, le milieu naturel, leurs salariés et toutes leurs parties prenantes – et de l’autre, d’analyser l’impact de cet écosystème sur leur trésorerie, leurs investissements, leur chiffre dʼaffaires.
La construction de cette analyse implique donc d’avoir clairement identifié les risques et opportunités matériels, à court, moyen et long termes, et d’être capable d’en évaluer la sévérité et la probabilité d’occurrence potentielles. Au-delà d’un fastidieux travail de conformité, il s’agit donc surtout d’une analyse stratégique, menée en collaboration avec les parties prenantes internes et externes, qui doit permettre de mieux anticiper les aléas, de minimiser les zones d’incertitude et de dessiner un chemin de croissance durable.
L'état de durabilité : des normes homogènes pour assurer la comparabilité des informations
Contrairement à la DPEF, le contenu et la structure d’ensemble de l’état de durabilité sont normés afin de répondre à l’enjeu de comparabilité et d’homogénéité de l’information. La norme ESRS 1 indique que cet état de durabilité doit être structuré autour de quatre grandes parties : les informations générales, les informations environnementales, les informations sociales et les informations en matière de gouvernance. Au sein de chaque partie, les informations doivent être présentées norme par norme. Aujourd’hui, seules 16% des entreprises indiquent avoir construit les rapport extra-financiers 2024 en cohérence avec les exigences d’ESRS 14.
Le plan de transition : comment les entreprises se préparent pour répondre aux défis du réchauffement climatique
Le plan de transition doit permettre de comprendre comment les entreprises se préparent à répondre aux défis du réchauffement climatique. Dans ce cadre, elles devront publier leurs efforts et initiatives passés, actuels et futurs, afin de mettre en œuvre un modèle d’affaires et une stratégie de croissance compatibles avec les objectifs des accords de Paris sur le climat (+ 1,5 degrés) et le net zéro en matière d’émissions de CO2 à échéance 2050. Dans ce domaine, les entreprises affichent également un retard marqué, puisque seules 13% d’entre elles ont déjà publié un plan de transition, complet ou partiel au regard des exigences de la CSRD5.
Rapports de durabilité, année 1 : ne pas viser l’exhaustivité !
Si beaucoup d’entreprises sont encore en phase de préparation et en demande de clarifications, il convient de ne pas s’alarmer. L’objectif n’est clairement pas, dès la première vague de rapports de durabilité, de « cocher toutes les cases ». La CSRD impose une obligation de transparence, et non de comportement. Il est donc préférable de se concentrer sur ses principaux enjeux de matérialité, et d’en proposer une analyse complète. Par ailleurs, si la CSRD exigera à coup sûr des ressources dédiées, elle requiert surtout une forte coopération entre les différentes directions des entreprises. Cela peut ainsi offrir une excellente opportunité de casser les éventuels « silos », au profit d’un travail plus transversal.
Enfin, pour atteindre les objectifs fixés par la Directive, les entreprises ne doivent pas hésiter à se faire accompagner. La réponse aux exigences de la CSRD, en année 1 surtout, demande des expertises précises.
Toutes les informations contenues dans cet article sont issues du Baromètre RSE 2024 réalisé par Forvis Mazars (septembre 2024).
1 Corporate Sustainability Reporting Directive
2 European Sustainability Reporting Standards
3 Données chiffrées issues du Baromètre RSE 2024 réalisé par Forvis Mazars en septembre 2024.
4 Ibid.
5 Ibid.
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