Fondations d’entreprise : spécificités et agilité
Dans le cadre de sa volonté de réaliser des actions philanthropiques, une entreprise dispose aujourd’hui de quatre leviers d’action :
- réaliser des actions de mécénat par le financement direct d’organismes sans but lucratif (OSBL) dans le cadre de leurs actions d’intérêt général ;
- créer une fondation d’entreprise, dont elle assumera entièrement la gestion ;
- créer une fondation d’entreprise placée sous l’égide d’une fondation abritante afin de se décharger des aspects administratifs1
- créer un fonds de dotation, pour peu que ce modèle puisse lui correspondre2.
À ce titre, et selon le baromètre de la philanthropie 20253, sont dénombrés 5 833 fondations et fonds de dotation en activité en 2024, dont 3 000 fondations et 2 833 fonds de dotation. Parmi les 3 000 fondations, on compte 1 787 fondations abritées, 647 fondations reconnues d’utilité publique (FRUP) et 449 fondations d’entreprise, le reste se rapportant à des formes juridiques de fondations peu nombreuses (fondations hospitalières, fondations universitaires, etc.). Toutes ces entités ont pu être créées par des personnes physiques, mais aussi parfois par des personnes morales. Le mécénat en direct s’élevait quant à lui à 3,8 milliards d’euros versés par 172 000 entreprises en 20234. En 20 ans, le nombre de fondations d’entreprise a connu une forte croissance en passant de 67 en 2001 à 449 en 2024. Qu’est-ce qui explique cet engouement pour cette typologie de structure ?
Fondation d'entreprise : carte d'identité
Une structure originale ...
Une fondation d’entreprise est une personne morale, à but non lucratif, créée par toute société civile ou commerciale, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), coopérative, institution de prévoyance ou mutuelle en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général5. Le(s) fondateur(s) s’engage(nt), lors de la constitution des statuts, à effectuer des versements dans le cadre d’un plan (ou programme) d’action pluriannuel (PAP). Ce PAP doit être d’un montant minimal de 150 000 euros pour une durée minimale initiale de cinq ans, renouvelable par durées minimales de trois ans. Ces fonds, qui peuvent faire l’objet d’un reçu fiscal pour le(s) fondateur(s), doivent être garantis par une caution bancaire. La fondation d’entreprise acquiert la personnalité morale après déclaration en préfecture et publication de l’arrêté au Journal officiel. Outre les versements du ou des fondateur(s), les ressources de la fondation d’entreprise peuvent être constituées de subventions (État, collectivités territoriales et leurs établissements publics), de produits des rétributions pour services rendus, ainsi que des revenus de la dotation initiale dans certains cas. Elle ne peut pas, en revanche, faire appel à la générosité du public (dons/legs) sous peine de retrait de son autorisation administrative. Elle peut toutefois recevoir des dons effectués par ses mandataires sociaux, sociétaires, adhérents ou actionnaires de l’entreprise fondatrice.
Dans le cadre de la réalisation de ses missions d’intérêt général, la fondation d’entreprise peut être opératrice (réalisation des actions en direct) ou redistributrice (reversements à des entités d’intérêt général).
... et unique en de nombreux points
Comme précisé ci-avant, la fondation d’entreprise présente de nombreuses originalités, que nous pouvons comparer aux autres types de structures auxquels une entreprise peut recourir afin de réaliser des actions d’intérêt général (v. tableau ci-dessous). Cette comparaison met en lumière les particularités et contraintes qui pèsent sur chaque forme juridique et permet de prendre conscience des différences majeures dans leurs modèles économiques.
Les points d'attention
Au regard des différentes spécificités développées ci-avant, la fondation d’entreprise doit faire preuve de vigilance concernant plusieurs thèmes.
Critère | Fondation d'entreprise autonome | Fondation d'entreprise arbitrée | Fonds de dotation |
|---|---|---|---|
| Personnalité morale | Oui | Non | Oui |
| Objet poursuivi | Objet d'intérêt général et but non lucratif | ||
| Durée de vie | Limitée : 3 à 5 ans | En fonction de la convention de création | Illimitée |
| Obtention de la capacité juridique | Autorisée par arrêté préfectoral (même tacitement) | Non applicable | Déclaration en préfecture |
| Appel à la générosité du public (AGP) | Non | Oui | Oui (si autorisation de la préfecture) |
| Subventions | Oui | Oui | Non |
| Immeubles de rapport | Non | Oui | Oui |
| Réception de dons IFI | Non | Oui | Non |
| Dotation initiale | Absence de dotation initiale. Financement au moyen d’un programme d’action pluriannuel (PAP) d’au moins 150 000 euros par période de PAP | En fonction de la convention de création | 15 000 euros |
| Comptes annuels | Oui (bilan, compte de résultat, annexes) | Non, sauf cas particuliers | Oui (bilan, compte de résultat, annexes) |
| Nomination d'un commissaire aux comptes | Oui | Non | Oui (à partir de 10 000 euros de ressources) |
| Rapport d'activité | Oui | Non | Oui |
| Gouvernance | Conseil d'administration comprenant 2 collèges obligatoires (représentants des entreprises fondatrices et de leur personnel pour les deux tiers au plus et personnalités qualifiées extérieures pour le tiers au moins) | En fonction de la convention de création, usuellement un comité exécutif de la fondation abritée | Conseil d'administration dont la composition est libre (3 membres a minima) |
La notion d'intérêt général
La fondation d’entreprise est créée afin de réaliser une œuvre d’intérêt général. L’intérêt général est un statut fiscal dont les associations et fondations peuvent bénéficier, se caractérisant dès lors que l’entité remplit les conditions suivantes6 :
- ne pas avoir d’activité lucrative, une analyse qu’il convient de réaliser par activité et au regard d’une analyse fiscale approfondie, notamment de la règle des « 4P » (prix, public, produit, publicité) ;
- avoir une gestion désintéressée : absence d’avantages matériels directs ou indirects aux fondateurs, dirigeants ou membres de l’association ou fondation ;
- ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes (poursuite d’intérêts particuliers d’une ou de plusieurs personnes clairement individualisables, membres ou non de l’organisme). Ainsi, la fondation devra réaliser une analyse différenciée en fonction de sa typologie de modèle économique (fondation opératrice ou redistributrice). Dans le premier cas (fondation opératrice), il lui conviendra de documenter et justifier que les actions qu’elle met en place directement, à l’aide de ses ressources propres (salariés, prestataires, etc.), remplissent bien les critères susmentionnés. Ce point pourra être explicité dans ses comptes annuels par la description de son objet social et dans son rapport d’activité en listant et explicitant les différentes actions d’intérêt général réalisées. Dans le second cas (fondation redistributrice), l’analyse de l’intérêt général des projets que la fondation souhaite financer devra être réalisée en amont de la décision du financement de ces programmes. Afin de l’aider dans cette analyse et documentation, la fondation pourra demander les attestations d’intérêt général auprès des entités qu’elle souhaite financer.
La communication financière
Plusieurs obligations incombent à la fondation d’entreprise concernant sa communication financière. Dans un premier temps, celle-ci devra intégrer, dans ses comptes annuels, les contributions volontaires en nature (CVN) reçues. Présentées au pied du compte de résultat, ces dernières se définissent comme l’acte par lequel une personne physique ou morale apporte à une entité un travail, des biens ou des services à titre gratuit7 (mises à disposition de personnes, bénévolat, mises à disposition de locaux ou de matériel, fourniture gratuite de services, etc.). Dans le cas de la fondation d’entreprise, il est courant d’observer la mise à disposition de personnel par les entités fondatrices afin de réaliser le suivi administratif de la fondation, et également la mise à disposition de locaux, ou la gratuité de prestations dites « back-office ». Ces éléments doivent par conséquent faire l’objet d’une valorisation – car essentielle à la compréhension de l’organisation et de l’activité de la fondation –, pour le coût évité par la fondation, enregistrée en comptabilité et présentée au pied du compte de résultat. Afin d’évaluer de la manière la plus fiable possible cette information, la fondation devra :
- mettre en place une procédure de recensement de l’ensemble des gratuités reçues (biens ou services) afin de s’assurer de l’exhaustivité de ces dernières ;
- élaborer une méthodologie de valorisation des éléments recensés, qui doit par ailleurs être clairement explicitée en annexe des comptes annuels afin d’éclairer le lecteur des états financiers sur cette information.
L’alternative à ces gratuités est la facturation interne de la part du fondateur à sa fondation d’entreprise. Il conviendra alors de veiller à ce que cette proportion de frais de fonctionnement reste largement minoritaire dans le total des charges engagées et ne vienne pas grever la capacité d’action de la fondation au travers de ses missions sociales.
Dans son annexe aux comptes, elle devra également faire mention de la caution bancaire reçue ainsi que d’une information concernant les engagements reçus des donateurs et/ou fondateurs8 (versements programmés, suivi du plan d’action pluriannuel, mode de comptabilisation des engagements) en engagements hors bilan reçus. Les comptes annuels de la fondation doivent faire l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes, sans conditions de seuil. Enfin, la fondation d’entreprise doit réaliser, de façon annuelle et dans les six mois suivant sa clôture comptable, un rapport d’activité qu’elle transmet à la préfecture, ainsi que ses comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes, par le biais d’une plateforme dématérialisée.
Malgré la progression rapide et en nombre des fonds de dotation, les fondations d’entreprise restent un choix de forme juridique qui peut s’avérer intéressant pour les entreprises. Dans une fondation d’entreprise, le modèle économique est déterminé et calibré au travers d’un programme d’action – dont l’exécution est garantie par la caution bancaire que le fondateur est contraint d’assurer –, ce qui n’est pas toujours le cas des fonds de dotation, notamment quand ceux-ci ambitionnent de lever des fonds issus d’appels à la générosité.
1 V. JA 2024, no 705, p. 15 et s., dossier « Fondations abritées – Direction assistée ».
2 V. not. JA 2023, no 681, p. 16 et s., dossier « Fonds de dotation – 15 ans : l’âge de faire » ; JA 2018, no 583, p. 15 et s., dossier « Fonds de dotation – 10 ans, ça se fête ! » ; v. égal. JA 2015, no 521, p. 16 et s., dossier « Fonds de dotation – Le fonds et la forme ».
3 Observatoire Philanthropie & Société – Fondation de France, « Baromètre annuel de la philanthropie – Les fondations et fonds de dotation en France », 2025.
4 Admical, « Le baromètre du mécénat d’entreprise en France », 2024, JA 2025, no 715, p. 12, tribune Y. Queinnec ; JA 2025, no 722, p. 43, étude D. Colombani et M. Bourgeois.
5 L. no 87-571 du 23 juill. 1987, JO du 24, art. 19.
6 BOFiP-Impôts, BOI-BIC-RI-CI-20-30-10-10 du 24 avr. 2024.
7 Règl. ANC no 2018-06 du 5 déc. 2018, art. 211-1.
8 Ibid., art. 511-1 à 511-4.
Article initialement publié dans la revue Juris Associations, n°276, Octobre 2025.