Quels leviers pour la transition écologique des soins de ville ?

Le 18 février 2025 |
Alors que le système de soins français représente plus de 8 % des émissions de gaz à effet de serre nationales (soit près de 50 millions de tonnes équivalent CO₂), la transition écologique apparaît aujourd’hui comme un enjeu majeur à aborder pour le secteur de la santé. Comment les structures de soins de ville peuvent-elles réduire leur empreinte carbone tout en conservant la qualité des soins proposés ?

Par Laetitia Rault, Associée, Damien Brizzi, Associé et Marie Cornilleau, Consultante.

 

Une ambition pour les structures de ville

Les émissions de gaz à effet de serre induites par le système de soin français se décomposent en deux parties : 45 % d’entre elles sont dues à l’offre de soin, et les 55 % restants sont attribués aux médicaments et dispositifs médicaux1. En 2023, une feuille de route pour la planification écologique du système de santé a alors été établie, fixant des objectifs précis pour réduire son empreinte carbone.

Une étude menée sur sept cabinets médicaux de ville en Gironde a notamment révélé que les émissions moyennes par cabinet s’élevaient à 25,9 tonnes équivalent CO₂, dont 70 % dues aux transports2. Les cabinets médicaux de ville, les Maisons de Santé Pluridisciplinaires et les Centres de Santé ont un rôle crucial à jouer dans cette transition : ces structures doivent en effet adopter des initiatives visant à intégrer des audits environnementaux dans leurs projets de construction ou de rénovation. Le second objectif consiste à réduire l'impact environnemental des médicaments, notamment en proposant des prescriptions plus responsables et en développant davantage les éco-génériques (médicaments génériques conçus pour avoir un impact environnemental réduit tout au long de leur cycle de vie).

 

Des initiatives locales inspirantes

Pour atteindre ces objectifs, des initiatives locales prometteuses émergent déjà dans différentes régions. Certaines structures de ville ont par exemple mis en place des mesures pour réduire leurs déchets, notamment en sensibilisant leurs patients au recyclage des médicaments ou en réduisant leur usage d’emballages plastiques grâce à des partenariats locaux. Une maison de santé de Nouvelle-Aquitaine a notamment installé des panneaux solaires pour optimiser son efficacité énergétique et a entrepris des rénovations thermiques des bâtiments avec l'aide de l’Agence Régionale de Santé. Une façon efficace de réduire sa consommation d’énergie et d’améliorer le confort thermique de ses patients. Certaines structures se sont aussi engagées dans la sensibilisation des professionnels de santé et des patients, en leur conseillant des pratiques écoresponsables ou en abordant le sujet des polluants éternels (substances chimiques synthétiques appelées PFAS3, dont les composés sont extrêmement stables et ne se dégradent pas facilement dans l'environnement). Pour mieux diffuser ce type de message, la région Occitanie a conçu un guide opérationnel : Mon cabinet écoresponsable, qui accompagne les structures de soins dans la mise en œuvre de ces nouveaux procédés.

 

Capitaliser sur des outils structurés

Malgré une sensibilité croissante des professionnels de santé à l'écologie, des obstacles subsistent. Pour surmonter ces défis, il est essentiel de structurer les efforts : en mettant notamment en place des audits environnementaux et en y allouant des financements ciblés, fondés sur des critères durables. Le développement d'outils pédagogiques peut également soutenir cette transition. Enfin, la sensibilisation est un levier incontournable pour permettre aux professionnels de santé de mieux apprécier l’impact que les médicaments et soins qu’ils prescrivent ont sur la biodiversité. Cependant, l'adoption de ce type d’initiative reste hétérogène au sein des structures de santé de ville, avec de grandes disparités entre les territoires. Pour maximiser leur efficacité, elles doivent être généralisées au niveau national.

 

Les professionnels de santé de ville ont aujourd’hui un rôle fondamental à jouer dans la réduction de l'empreinte écologique du secteur de la santé. Bien que des initiatives locales prometteuses voient déjà le jour, il est nécessaire de les généraliser à l’échelle nationale pour pouvoir bénéficier de changements concrets. La collaboration entre les différents acteurs du secteur de la santé et le soutien des autorités régionales et nationales apparaissent alors comme des facteurs déterminants pour mener cette transition écologique à bien.

 

[1] Planification écologique du système de santé - Feuille de route

[2] Arnaud Coustal, Impact environnemental de la médecine générale : bilan carbone 2021 de 7 cabinets de médecine générale en Gironde

[3] Substances per- et polyfluoroalkylées

 

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