Pour accélérer la mixité, l'image du pouvoir doit changer
La mixité femmes-hommes, une urgence pour nos organisations.
La nécessité d’avoir des équipes mixtes femmes-hommes à la tête et à tous les niveaux de nos organisations n’est plus à démontrer mais, dans les faits, nous sommes loin d’atteindre des niveaux acceptables.
Nous, dirigeantes et dirigeants de grands groupes français, rassemblés au sein du club des dirigeants des Ateliers Entreprise et Mixité (ex-Observatoire de la Mixité), avons conscience des résistances à l’œuvre et des biais inconscients qui incitent les cadres dirigeants à promouvoir des personnes à leur image1.
Mais ce n’est pas la seule raison du déficit de mixité : si les femmes sont rares en position de pouvoir, c’est aussi parce que beaucoup ne candidatent pas à ces postes bien qu’elles aient les compétences requises, comme le montre une enquête menée avec BVA sur le phénomène d’« Opting Out2 » ou « Pas de côté ». En cause : l’image peu attractive que nous donnons de l’exercice du pouvoir.
Nos engagements
C’est pourquoi nous nous engageons personnellement à favoriser au quotidien l’inclusion des femmes dans nos équipes dirigeantes et nos comités exécutifs, à mettre en place les conditions matérielles concrètes de leur réussite professionnelle, afin d’alléger la charge mentale qui est aujourd’hui encore majoritairement féminine; nous nous engageons à prendre en compte la question de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ; à questionner l’absolue nécessité d’une mobilité géographique permanente pour les dirigeantes et dirigeants ; à mettre en avant les nombreux aspects positifs qu’il y a à exercer la fonction de dirigeant(e) ; à garantir la plus grande objectivité des évaluations de performance, où aujourd’hui des préjugés ont cours au détriment des femmes3… Car au quotidien, beaucoup de femmes sont confrontées à de tels biais qui, cumulés, les découragent de candidater à des postes à responsabilités.
Aussi nous engageons-nous à promouvoir toujours plus dans nos organisations un style de leadership « équilibré », qui ne réponde pas uniquement à des critères dits « masculins ».
Il y a urgence à créer dans nos organisations des réservoirs de hauts potentiels féminins, à promouvoir davantage de femmes et à constituer des plans de succession équilibrés femmes-hommes : nous continuerons de le souligner au sein de nos organisations et en dehors.
Image du pouvoir
Il y a aussi urgence à modifier l’image souvent négative du pouvoir perçue par les femmes. Selon l’enquête sur le phénomène d’Opting Out de BVA, c’est même l’une des raisons principales qui dissuadent des femmes de candidater pour une promotion, au-delà de la crainte d’un déséquilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle.
Beaucoup de celles éligibles aux plus hautes responsabilités ont des ressentis négatifs face à l’image projetée du pouvoir : l’impression d’une pression à outrance, d’une mobilité géographique permanente pesant sur l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, d’une ambiance « boys club » dans laquelle il est difficile de s’intégrer, le sentiment qu’il sera difficile d’être considérée et évaluée à sa juste valeur4, celui de devoir parfois mener des batailles à armes inégales, l’impression d’une ambition des femmes mal comprise ou sous-évaluée5, ou encore d’un style de leadership largement basé sur des stéréotypes masculins (tels l’accent mis sur l’agressivité, la prise de risque, un focus uniquement sur les résultats chiffrés reléguant au second plan les qualités managériales, la valorisation d’un esprit sportif et/ou guerrier)...
La responsabilité des dirigeantes et dirigeants
Que l’on s’en persuade : les obstacles qui se dressent entre les femmes et les postes à responsabilités sont nombreux et la plupart du temps, ce n’est pas la faute des femmes. Ce sont l’image que nous donnons du pouvoir, les modalités d’exercice de nos postes à responsabilités et l’exemplarité qui doivent être améliorées pour devenir plus attractives. A nous de faire évoluer rapidement et consciemment la situation, à nous de donner l’exemple pour changer les choses.
Signataires : les dirigeants des Ateliers Entreprise et Mixité, think tank by l’ESSEC
1. Michel Landel, ex DG Sodexo, administrateur indépendant, parrain des Ateliers Entreprise et Mixité, by l’ESSEC
2. Vincenzo Vinzi, doyen et président, ESSEC Business School
3. Hélène Bernicot, DG, Crédit Mutuel Arkéa
4. Sophie Boissard, DG, Clariane (ex Korian)
5. Jean-Pierre Farandou, PDG, SNCF
6. Caroline de Grandmaison, présidente France et Luxembourg, CGI
7. Hervé Hélias, PDG, Forvis Mazars
8. Gérald Karsenti, ex président France, SAP
9. Eric Labaye, président du comité de surveillance, Investissements d’Avenir
10. Philippe Martinez, président France, Adecco
11. Bruno Vaquette, PDG France, Sodexo
12. Amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine
Tribune initialement publiée dans Les Échos, le 5 septembre 2024.
A propos des Ateliers Entreprise Et Mixité by l’ESSEC
Les Ateliers Entreprise et Mixité est un think tank dédié à l’accélération de la mixité femmes-hommes au sein des organisations, dans le prolongement des travaux menés par ses membres au sein de l’Observatoire de la Mixité.
Les Ateliers Entreprise et Mixité s’érigent en un lieu de réflexion stratégique, rassemblant un comité d’orientation composé d’une part d’entreprises leaders (Bureau Veritas, Crédit Mutuel Arkéa, Engie, France Télévisions, Mazars, SNCF, Sodexo) qui intègrent la mixité comme un pilier fondamental de leur stratégie d’entreprise. Le comité d’orientation est composé d’autre part d’expertes et experts Mixité reconnus, représentant des organisations ou associations engagées dans la promotion de l’égalité femmes-hommes au travail. Les Ateliers Entreprise et Mixité visent à identifier et à diffuser les meilleures pratiques pour favoriser un environnement professionnel mixte et inclusif.
Au-delà de son comité d’orientation, Les Ateliers Entreprise et Mixité réunissent un club très actif de dirigeantes et de dirigeants engagé(e)s. Ce club offre à ses membres une plateforme d’échange pour partager leurs expériences, leurs défis et leurs succès dans l’accélération de la mixité au sein de leurs organisations respectives. Leur objectif est également de susciter un engagement plus général de la classe dirigeante.
Les travaux sont coordonnés par Marie-Christine Mahéas, ex Coordinatrice de l’Observatoire de la Mixité, directrice du centre Forvis Mazars pour la diversité et l’inclusion, sous le parrainage de Michel Landel, ex-DG de Sodexo et administrateur indépendant.
Sources :
1. Women Aren’t Promoted Because Managers Underestimate Their Potential (Yale Insights)
2. Enquête sur le phénomène d'opting-out - BVA France : les hommes refusent autant de promotions que les femmes mais les femmes candidatent moins, se mettant moins en avant (BVA Xsight)
3. Watch Out for These 3 Gender Biases in Performance Reviews (hbr.org)
4. Watch Out for These 3 Gender Biases in Performance Reviews (hbr.org) : les biais les plus courants dans les évaluations de performance pénalisent largement plus les femmes que les hommes
5. It’s Time to Redefine Our Gendered Idea of “Ambition” (hbr.org) : proposition d’une redéfinition de la notion d’ambition pour que femmes ne soient pas systématiquement soupçonnées d’en manquer