Avis d'expert | CSRD : défis et perspectives pour le secteur de l'assurance en 2025

Novembre 2025 | Entrée en vigueur en 2024, la Directive européenne sur les informations de durabilité des entreprises (la Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD) remplace la Directive sur la publication d’informations non financières (la Non-financial Reporting Directive ou NFRD) et élargit le champ des entreprises soumises aux obligations de publication d'informations en matière de durabilité.

La nouvelle directive vient également renforcer et harmoniser les exigences de reporting extra-financier afin de mieux répondre aux objectifs du pacte vert européen et accélérer la transition vers une économie durable.

Etat des lieux du premier exercice de publication des états de durabilité

La première application de la CSRD au titre de l’exercice 2024 a posé des défis importants pour le secteur de l'assurance.

D’abord, le périmètre des entreprises tenues de se conformer aux nouvelles normes d’information en matière de durabilité (European Sustainability Reporting Standards ou ESRS) a été considérablement élargi et inclut désormais tous les organismes d’assurance indépendamment de leur forme juridique dès lors qu’ils dépassent les seuils prévus par la directive.

Ensuite, de nombreuses difficultés méthodologiques et opérationnelles ont été remontées par les acteurs du secteur qui se sont mis en ordre marche et ont lancé leurs projets de mise en œuvre assez tardivement, courant 2024 pour la plupart.

Les défis rencontrés ont notamment porté sur l’analyse de double matérialité et l’évaluation de l’exposition aux enjeux de durabilité pour l’ensemble de la chaîne de valeur des activités d’investissement et d’assurance, ainsi que sur la collecte des informations pour être en capacité de publier les différents points de données requis par les normes ESRS (selon le résultat de l’analyse de double matérialité), dont certains ne sont pas applicables ou peu pertinents pour le secteur de l’assurance.

En effet, l’absence de normes sectorielles a posé de nombreuses questions d’interprétation et d’application des exigences de publication pour les acteurs du secteur financier. Par conséquent, certaines exigences de publication ont été partiellement ou totalement omises et des informations contextuelles ont été ajoutées pour davantage de transparence sur les raisons de ces omissions.

Par exemple, seuls quelques assureurs ont réussi à publier des plans de transition conformes aux exigences des ESRS et à communiquer sur les ressources financières allouées aux actions de décarbonation menées pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES. De plus, des limitations méthodologiques et opérationnelles ont été mises en évidence concernant l'empreinte carbone des émissions de GES associées aux activités d'investissement et d'assurance, à la fois du point de vue de la souscription et de la gestion des sinistres.

D’autre part, les exigences de publication liées au règlement taxonomie énoncées à l'article 8 du Règlement (UE) 2020/852 et qui font dorénavant partie des informations à publier dans l’état de durabilité ont également posé de nombreuses questions d’application, notamment en ce concerne l’interprétation des critères d’examen technique pour apprécier l’alignement des activités d’assurance, ainsi que l’application de certaines exigences des FAQ de la Commission européenne à destination des institutions financières publiées en novembre 2024.

Malgré ces obstacles, les ESRS, notamment les exigences minimales de publication dans ESRS 2, ont permis d’améliorer la comparabilité des états de durabilité et d’accroître la transparence concernant les politiques et actions mises en place pour respecter les engagements ESG dans le secteur de l’assurance.

Omnibus, une simplification attendue par les acteurs de place

En parallèle de ce premier exercice de publication, la Commission européenne a introduit des propositions de simplification par le biais du paquet « Omnibus I », visant à rendre la publication d'informations en matière de durabilité plus fluide et efficace. La Commission a annoncé des mesures pour réduire de 25 % la charge administrative des entreprises d'ici la fin de son mandat en 2029. Cependant, en raison du calendrier législatif au niveau européen, ces propositions ne seront probablement pas applicables pour les publications en 2026. Certaines premières mesures de simplification ont néanmoins déjà été adoptées en juillet 2025 et seront a priori bien applicables aux prochaines publications.

Parmi les textes adoptés en juillet 2025, l’acte délégué relatif aux mesures ciblées dites « Quick Fix » pour le premier jeu de normes ESRS a été publié au JOUE du 10 novembre 2025 et pourra être appliqué aux exercices ouverts après le 1er janvier 2025. Les amendements introduits offrent un allègement significatif pour les entreprises de la vague 1 - celles qui ont déjà publié déjà des informations pour l’exercice financier 2024 - en leur permettant de maintenir le même niveau de publication pour les exercices 2025 et 2026. Plus précisément, elles ne sont toujours pas tenues de publier certaines informations, telles que les effets financiers attendus des risques liés à la durabilité, alors que les dispositions transitoires initiales d’ESRS 1 auraient sinon obligé les entreprises à publier a minima des informations qualitatives sur ce sujet. De plus, les entreprises de plus de 750 employés bénéficient désormais des dispositions de phase-in précédemment réservées aux plus petites entités, à l’exception des informations relatives aux émissions de gaz à effet de serre du scope 3 et des émissions totales (DR E1-6), et de toutes les informations relatives à la norme ESRS S1 sur le personnel de l’entreprise.

Concernant les entreprises de la vague 2 et de la vague 3, celles-ci pourront bénéficier, grâce à la Directive « Stop the Clock », d’un report de deux ans pour la publication de leur premier état de durabilité (i.e. report respectivement à 2027 et 2028), dans l’attente de connaître si ces entreprises resteraient demain dans le champ de la CSRD amendée.

A ce titre, le Parlement européen a adopté le 13 novembre 2025 sa position de négociation sur la simplification des obligations de publication d’informations des entreprises en matière de durabilité (CSRD) et de devoir de vigilance (Corporate Sustainability Due Diligence Directive ou CSDDD), visée par le projet de Directive « Content » du paquet Omnibus I. Parmi les principaux amendements de la CSRD adoptés par les eurodéputés figurent notamment un relèvement des seuils d’application à 1 750 salariés et un chiffre d’affaires net supérieur à 450 millions d’euros pour les entreprises UE (pour les entreprises hors UE, seul le critère de chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros pour la filiale ou la succursale UE du groupe non UE est retenu), ainsi qu’une exemption de reporting pour les holdings financières et pour toutes les filiales de groupes lorsqu’un reporting consolidé conforme à la CSRD existe au niveau du groupe. S’agissant de la CSDDD, les seuils d’application sont relevés à 5000 salariés et un chiffre d’affaires net mondial supérieur à 1,5 milliards d’euros pour les entreprises UE tandis que pour les entreprises hors UE un seuil de chiffre d’affaires net supérieur à 1,5 milliard d’euros au sein de l’UE est retenu. Le projet de directive prévoit également la suppression de l’obligation d’adopter un plan de transition.   

De son côté, le nouveau règlement délégué Taxonomie a introduit de nombreuses simplifications en ce qui concerne les tableaux de reporting à publier ainsi que différentes adaptations en ce qui concerne le calcul des indicateurs de performance taxonomiques. Pour les organismes d’assurance, il s’agit notamment de l’exclusion des expositions liées à des émetteurs non soumis à la CSRD du numérateur et du dénominateur du ratio « investissement », ainsi que la possibilité d’exclure les primes des activités d’assurance représentant moins de 10% des primes émises non-vie de l’analyse des activités alignées et éligibles du ratio « souscription ».

Le nouveau texte fait l’objet d’une période de scrutin jusqu’au 5 janvier 2026. En cas de non-objection d’ici là, il sera définitivement adopté puis publié au JOUE pour une entrée en vigueur dans les 20 jours qui suivent. En pratique, ce texte devrait bien être applicable aux publications à compter du 1er janvier 2026.  

En ce qui concerne les objectifs de simplification plus larges du paquet Omnibus I de l’UE s’agissant du contenu du reporting de durabilité, l’EFRAG a remis à la Commission européenne son avis technique sur les projets de normes ESRS révisées le 3 décembre 2025. Les révisions proposées visent à simplifier la publication d’informations en matière de durabilité en réduisant de manière importante le nombre de points de données. Les leviers de simplification identifiés par l’EFRAG incluent notamment l’élimination des chevauchements entre la norme ESRS 2 sur les informations minimales sur les politiques, actions et cibles et les normes thématiques, la simplification de l’évaluation de la double matérialité et l’amélioration de l’interopérabilité avec les cadres de reporting de durabilité mondiaux. Les publications volontaires ont été supprimées afin de supprimer toute ambiguïté sur le statut de ces informations.

D’autre part, la Commission européenne a publié le 20 novembre 2025 son projet de révision du Règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation). Un jeu de FAQ a également été publié sur le site de la Commission. Cette publication fait suite à deux consultations, l’une publique et l’autre ciblée, menées entre septembre et décembre 2023. Un call for evidence avait également été lancé durant le mois de mai 2025. Le résultat de ces consultations a mis en lumière la complexité des obligations de publication du Règlement SFDR, mais également le manque d’interconnexion avec les autres règlements en matière de durabilité.

Dans ce projet de révision, les différentes catégories de produits financiers en lien avec la durabilité sont associées à des obligations en matière d’investissement et d’exclusion clairement définies. Le concept d’« investissement durable » est ainsi supprimé. Chaque catégorie de produits financiers est également associée à des obligations en matière d’informations précontractuelles et périodiques, qui semblent allégées par rapport aux obligations actuellement en vigueur. Une fois le nouveau Règlement SFDR adopté, un Règlement Délégué devrait également être publié afin de définir les modèles de publication d’informations pour les produits financiers catégorisés. La Commission européenne indique cependant dans son jeu de FAQ que ces modèles devraient être plus courts et significativement simplifiés par rapport à ceux actuellement en vigueur. La proposition de la Commission va désormais être discutée en trilogue avec les colégislateurs i.e. le Parlement et le Conseil de l’Union européenne. À l’issue du processus législatif, le nouveau Règlement sera applicable 18 mois après son entrée en vigueur, laquelle interviendra 20 jours après la publication au JOUE.

Perspectives

Malgré les défis initiaux posés par la première application de la CSRD, les ESRS ont permis d'améliorer la comparabilité des états de durabilité et d'accroître la transparence des politiques ESG. Les simplifications du paquet Omnibus devraient permettre d’alléger la charge opérationnelle associée à la production de l’état de durabilité, pour l’heure grâce à l’extension jusqu’à 3 ans de l’application des mesures transitoires, initialement prévues pour une durée d’un an, et à leur renforcement pour les entreprises de plus de 750 salariés.

Les assureurs doivent désormais améliorer leurs méthodes de production de certaines données et renforcer la coopération entre les différents acteurs du secteur, notamment par le partage des bonnes pratiques et l’harmonisation des interprétations, afin d’intégrer efficacement les enjeux de durabilité dans leurs activités. Ces efforts permettront non seulement de garantir la conformité réglementaire, mais aussi de contribuer à l’évolution responsable du secteur de l’assurance.

 

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Associée – Audit, Assurance, Finance Durable Jennifer Maingre Coudry
Jennifer Maingre Coudry Associée – Audit, Assurance, Finance Durable - Paris

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