
Mobiliser des acteurs complémentaires : la clé d’une transition énergétique réussie
Pour marquer les dix ans de la signature de l’Accord de Paris, le « Reality Tour », (organisé par The Climate Reality Project, une ONG impliquée dans la sensibilisation au changement climatique) a réuni plus de 800 citoyens à Paris en mars dernier. Au programme, prises de parole et réflexions collectives réunissant des profils de tous horizons. Ce type d’événement incarne l’idée que la réussite de la transition énergétique doit passer par une prise de conscience globale, conditionnée par l’action des institutions publiques et des entreprises, mais aussi par l’éducation à l’information.
Par Joffrey Côme, Forvis Mazars
Dix ans après l’Accord de Paris, le temps de l’action
En 2015, 195 pays se réunissaient à Paris dans le cadre de la Conférence sur le climat (dite COP 21), ayant abouti à la signature de l’Accord de Paris. Une date historique engageant tous les pays signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, afin de maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2 degrés d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle (1861-1880). Le changement climatique constitue effectivement l’une des 9 limites planétaires à ne pas dépasser afin d’assurer un espace de vie préservé pour l’humanité.
Dix ans après la COP 21, l’année 2024 a fourni un bilan alarmant puisque la hausse des températures a dépassé pour la première fois le seuil d’1,5 degrés. Un niveau inquiétant compte tenu du nombre d’années restantes avant la date butoir (75 ans), mais qui représente également un tournant décisif, laissant encore la possibilité d’agir pour inverser la tendance. Face à la multiplication des catastrophes climatiques, il est important de ne pas céder au fatalisme. L’urgence climatique est réelle mais ne doit toutefois pas pétrifier l’action, puisque de nombreuses solutions sont envisageables pour réduire l’empreinte carbone mondiale et revenir au sein des limites planétaires.
Mobilisation citoyenne : tous un rôle à jouer
Les 175 millions de tonnes de gaz à effet de serre rejetées quotidiennement dans l’atmosphère trouvent principalement leur origine dans la combustion des énergies fossiles. Ces émissions constituant la première cause du changement climatique, il est essentiel de se tourner autant que possible vers un développement massif des énergies renouvelables. L’énergie photovoltaïque constitue actuellement l’énergie la moins chère au monde, ses coûts d’exploitation ayant diminué grâce au perfectionnement des sites de production et aux économies d’échelle permises par la hausse de la demande. Ainsi, en 2024, un tiers de l’électricité produite dans le monde était renouvelable*. Une tendance prometteuse qui n’aura toutefois d’impact qu’à travers la mobilisation de toutes les parties prenantes, chacune ayant un rôle à jouer à son échelle.
Pour les entreprises, entamer une transformation pérenne consiste avant tout à prendre conscience de leur vulnérabilité face au changement climatique et au manque de matières premières. Cette réflexion passe notamment par l’évaluation de leur niveau de dépendance à l’environnement : de quelle façon leurs activités seront-elles impactées par les phénomènes climatiques extrêmes, l’érosion de la biodiversité, l’épuisement des ressources ou encore par l’évolution de la réglementation environnementale ? Certains secteurs d’activité dépendant directement de ressources naturelles (comme le cuivre ou le caoutchouc) doivent être capables de faire face à leur raréfaction et à la hausse des prix qui en résultera. Dans un monde en permacrise et face à un contexte imprévisible, les entreprises doivent plus que jamais s’assurer une robustesse suffisante.
De leur côté, les institutions gouvernementales ont aussi un rôle central à jouer dans cette prise de conscience, notamment en finançant le développement des énergies renouvelables et en sensibilisant les citoyens à l’importance de la sobriété dans leurs habitudes de consommation. Enfin, l’éducation aux risques de la désinformation, le travail des médias et la possibilité d’accéder à une information qualitative sont également des paramètres décisifs dans cette transition, puisqu’ils conditionnent la qualité du débat citoyen et façonnent l’opinion collective.
Urgence climatique : la réussite sera collective ou ne sera pas
Pour que chacun s’intéresse à la transition énergétique et se sente concerné par ce défi, il est essentiel de favoriser l’inclusion et la compréhension des enjeux de toutes les parties prenantes. Il ne suffit plus de se limiter au discours scientifique mais il s’agit plutôt d’aborder l’urgence climatique sous un prisme commun, afin d’inclure l’ensemble des acteurs. En effet, en matière de changement climatique, seule une mobilisation collective permettra de faire évoluer les comportements durablement.
Plus concrètement, la clé de la réussite peut se trouver dans la construction de passerelles et de collaborations entre les communautés de scientifiques et de chercheurs, les faiseurs de lois, les entreprises, les industriels, les associations et les citoyens, afin que les expertises et connaissances de chacun se complètent efficacement. C’est notamment grâce à de tels rapprochements que la loi de 2025 encadrant l’usage des polluants éternels (PFAS) a vu le jour. Cet accomplissement prouve que les événements similaires au « Reality Tour », permettant à des groupes qui ne se côtoient pas au quotidien de se réunir autour d’un même but, restent des leviers d’action indispensables.
Alors que l’année 2025 marque un tournant dans la lutte contre le changement climatique, la prise de conscience citoyenne globale devient un indispensable pour inciter à l’action et à la mobilisation, et ainsi parvenir à des changements systémiques. Pour cela, il est nécessaire de s’appuyer sur des outils fédérateurs et à impact concret, permettant à des acteurs complémentaires de se réunir autour d’une visée commune : maintenir les conditions d’habitabilité de la Terre autant que possible.
*Global Energy Review 2025, Agence internationale de l’énergie
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