Les Français et les services publics : une confiance maintenue, un niveau d’exigence constant, des attentes réaffirmées
Six ans après une première étude sur le sujet (1) , nous publions aujourd’hui la deuxième édition de notre enquête sur les Français et la transformation des services publics (2). L’occasion de constater que les Français restent exigeants à l’égard de leurs services publics mais que leur façon de les solliciter a profondément changé.
Les Français ont adopté les usages digitaux
En 2025, nous faisons le constat que les Français se déplacent moins au guichet. La crise sanitaire est passée par là et les citoyens ont massivement adopté les usages digitaux des services publics, quelles que soient les générations interrogées. La crise sanitaire est identifiée comme le « point de départ » d’une dégradation perçue de la qualité de service, qui se manifeste notamment par un éloignement « physique » des administrations et des services publics. Pourtant, l’adoption des outils digitaux par l’ensemble de la population a permis de réduire significativement l’impact de cet éloignement physique. C’est l’un des points saillants de notre étude. Toutes générations confondues, les citoyens utilisent massivement le digital pour avoir accès à leurs informations ou effectuer leurs démarches. Les services publics qui ont engagé leur transformation numérique depuis longtemps déjà, à l’image des services des impôts, de l’Assurance Maladie ou des services de renouvellement des titres bénéficient à la fois d’un très fort taux de reconnaissance et d’un satisfecit global en termes de qualité et de simplicité des démarches.
Toujours exigeants, les Français en attendent plus de leurs services publics
Comme en 2019, les Français expriment trois principales attentes : la simplification des démarches (70 %), le raccourcissement des délais de réponse (58 %) et la maîtrise des dépenses. Sur ce dernier point, les Français s’accordent à une très large majorité (80 %) sur la nécessité de réduire les coûts sans dégrader le niveau des prestations servies. Dans ce contexte, tous les services qui facilitent la vie sont plébiscités par nos concitoyens. Les solutions pratiques ou de proximité comme France Connect, service-public.fr ou les guichets France Services sont connus et utilisés par – respectivement – 91 %, 83 % et 59 % des personnes interrogées. Mais les Français attendent que les services publics aillent plus loin en contribuant à alléger leur « charge mentale » administrative grâce à des alertes sur les démarches à effectuer (56 %), des services activés automatiquement « à la source » en fonction de leur situation (44 %) ou des formulaires pré-renseignés (42 %), à l’instar de ce que fait déjà l’administration fiscale.
Par ailleurs, à l’heure du tout digital, les Français veulent pouvoir bénéficier du même niveau de service (délais courts, suivi régulier du statut des demandes) que celui des grandes plateformes privées de services, de banque ou de commerce en ligne. Celles-ci ont défini de nouveaux standards, auxquels les services publics sont désormais naturellement comparés.
Faire plus pour aider les Français qui en ont le plus besoin
Pour les Français, la numérisation, par les gains de productivité qu’elle autorise, doit également permettre aux agents publics de concentrer leur attention sur les publics fragiles, les personnes les plus vulnérables, et parmi elles les populations éloignées du numérique. Cela explique sans doute en grande partie la très nette amélioration de la perception de France Travail dans notre enquête (+9 points depuis 2019). D’autres pistes pourraient être explorées pour réduire la distance réelle ou ressentie : près d’un tiers des Français se dit intéressé par la perspective de bénéficier de moyens de prise de rendez-vous numériques, de téléconsultations administratives ou de points réguliers avec un agent public.
De sérieux défis humains et technologiques à relever
Au-delà du seul paradigme de la simplification des démarches, la transformation en cours des services publics passe ainsi à la fois par la mobilisation du levier technologique (numérique, data, IA), par la différentiation des parcours et des niveaux de services « à géométrie variable » en fonction de la situation des usagers, et par l’inversion du modèle de représentation de la valeur créée par les organisations administratives, dans l’esprit du texte de la loi ESSOC (droit à l’erreur, conseil et orientation vs contrôle, accompagnement pour éviter les ruptures de services et les sanctions, par exemple). Toutes proportions gardées, nous assistons là à une forme de rupture anthropologique. Celle-ci devra être accompagnée pour permettre aux agents publics d’appréhender les nouvelles responsabilités de leurs métiers assistés par l’IA, de reconsidérer les notions d’équité et d’égalité entre les citoyens face aux services publics ou entre les territoires. Toute cela implique de continuer à questionner et à faire évoluer les modèles RH, les profils de carrière et les processus d’acquisition de compétences des agents publics, sans quoi nous risquons de passer à côté des grandes transformations qu’attendent les Français. Les services publics de l’emploi, de la retraite ou de l’assurance maladie, pour ne citer qu’eux, y travaillent déjà et inscrivent dans un temps nécessairement long ces transformations profondes.
Auteur