ChangeNOW, un salon pour accélérer les transitions

Décarbonation : quand chaque degré compte

10 ans après la signature de l’Accord de Paris, l’un des premiers enseignements de cette édition ChangeNOW souligne que de nombreux pays s’y étant engagés ne parviennent pas à intégrer la réduction des émissions de CO2 à leurs politiques de développement. Cette année, la hausse des températures moyennes sur Terre a ainsi dépassé le seuil d’1,2 degré supplémentaire par rapport à l’ère préindustrielle, et le scénario modélisé par le GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) estime que ce niveau s’élèvera à +4 degrés à la fin du siècle. Du fait de l’inertie des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, les efforts déployés aujourd’hui ne verront leur aboutissement que dans une génération. Chaque seuil d’augmentation pouvant engendrer des événements climatiques plus ou moins intenses, il est important de comprendre qu’une fraction de degré peut faire la différence.

Pour concrétiser cette ambition, il est indispensable que gouvernements, entreprises et citoyens se mobilisent de façon complémentaire. Du côté des entreprises, les nouvelles réglementations comme la CSRD ou encore la publication obligatoire d’un bilan carbone tous les 4 ans est notamment un levier efficace pour détecter les postes d’émissions de CO2 les plus importants et élaborer un plan de transition climatique sérieux.

Sortir du prisme centré sur le facteur le carbone 

Au-delà des enjeux liés aux émissions de gaz à effet de serre, le salon ChangeNOW s’est concentré sur divers facteurs impliqués dans l’évolution de la crise environnementale. Afin d’assurer des conditions d’habitabilité agréables sur la planète pour les générations futures, le référentiel des 9 limites planétaires constitue une base intéressante. Parmi elles, 6 ont déjà été franchies : changement climatique, érosion de la biodiversité, perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, changement d’usage des sols, utilisation et cycle de l’eau douce, ou encore introduction de nouvelles entités dans la biosphère.

La diversité des angles de réflexion proposés durant le salon confirme l’importance de sortir du prisme « carbone-centric » et d’adopter une pensée systémique alliant des pistes multiples. Seule une approche complète basée sur la science et l’intégration des 9 limites planétaires dans les modèles économiques permettra d’améliorer la situation majeure de polycrises dont nous commençons tout juste la traversée. En adoptant ce modèle multifacettes, certaines villes comme Amsterdam sont parvenues à trouver un juste équilibre entre développement économique et durabilité. Parallèlement, la notion de « plancher social » (valeurs fondamentales et conditions minimums nécessaires à une société durable, comme la santé, la paix, la justice ou encore l’éducation) doit être ajoutée à ce prisme afin de définir encore plus précisément les contours d’une société responsable et inclusive.

Allier économie et écologie : la base des modèles d’affaires gagnants de demain

Aujourd’hui, peu de structures appliquent ces principes de façon exhaustive. Toutefois, certaines solutions évoquées durant l’événement traduisent un intérêt croissant pour de nouveaux enjeux, s’intégrant de plus en plus facilement dans les modèles économiques des entreprises. Ces besoins, qui seront au centre des préoccupations de demain, deviennent déjà des secteurs porteurs et représentent ainsi l’opportunité de créer de nouveaux modèles d’affaires. De nombreuses initiatives valorisées pendant ChangeNOW en témoignent (solutions de régénération des sols, élaboration de revêtements propices au développement de la biodiversité, ou encore construction durable et réemploi des matériaux dans le domaine du bâtiment) et répondent au manque actuel de solutions sur ces marchés.

Plusieurs interventions ont mentionné l’intelligence artificielle comme levier dans la mise en place d’outils de transition écologique innovants. Ce type de technologie possède toutefois une empreinte environnementale importante : une requête envoyée sur ChatGPT consommant près de l’équivalent d’une bouteille de 500 ml d’eau*. De leur côté, les centres abritant les serveurs de données sont hautement énergivores et requièrent l’utilisation de métaux rares, tout comme les équipements IT de manière générale. Dans ce contexte, il semble indispensable d’encadrer l’usage de l’intelligence artificielle afin de le limiter aux activités et besoins essentiels, comme le domaine de la santé par exemple. De façon générale, entreprises et institutions ont un devoir de sensibilisation concernant l’utilisation raisonnée des outils numériques : choix des fournisseurs et des matériaux, durée de vie des équipements informatiques, etc. En imposant un cadre de reporting extra financier aux entreprises, la réglementation CSRD offre justement l’occasion de passer en revue la plupart de ces thématiques, afin d’imaginer des solutions moins impactantes d’un point de vue environnemental et social.

Des figures citoyennes pour incarner les récits

Les actions individuelles, ou « écogestes », peuvent avoir un impact significatif lorsque chaque personne contribue à l'effort collectif. Mais pour que ces causes parlent à tous et engendrent une mobilisation efficace, elles ont indéniablement besoin d’être incarnées par des figures inspirantes, capables de sublimer ces récits. Scientifiques, militants, artistes, chercheurs, associations, entreprises et bénévoles sont autant de profils qui peuvent contribuer à rendre ces questionnements tangibles, à sensibiliser et à matérialiser leur intérêt.

Dans ce contexte, les événements fédérateurs comme ChangeNOW apparaissent comme des leviers d’action indispensables pour concrétiser ces réflexions et amplifier leurs impacts. Le lancement du mouvement citoyen GenAct (créé par le Collège des Directeurs du Développement Durable) en est un bon exemple, puisque sa présence durant le salon lui a permis de réunir 1 500 nouveaux inscrits en 15 jours et de nombreuses demandes de partenariats supplémentaires. De son côté, le projet d’économie circulaire USE IT AGAIN for YOUTH, créé par Romain et Titouan Pilliard, que nous soutenons, a pu recruter 30 nouveaux ambassadeurs bénévoles durant ces 3 jours.

Comme Bruno Latour l’expliquait lors d’un entretien avec le journaliste Nicolas Truong (Le Monde), « Si l’homme tient à sa survie en tant qu’espèce, il lui faut apprendre à s’émanciper des grands paradigmes qui le guident depuis les Lumières ». Et c’est précisément l’ambition de ce type d’événement, qui travaille à proposer des solutions répondant aux grands défis de notre ère.

*Etude menée par Shaolei Ren, chercheur à l’Université de Riverside aux Etats-Unis